- IMMUNOPATHIES
- IMMUNOPATHIESLe système immunitaire a pour fonction première la tâche d’éliminer de l’organisme les agents infectieux et parasitaires qui s’y introduisent et y déclenchent une maladie cliniquement manifeste. Cette définition s’est étendue au cours de ces vingt dernières années au rejet des greffes et, de façon plus controversée, à la défense antitumorale.Toutes les réactions immunitaires ont en commun de présenter une spécificité d’une remarquable finesse pour les substances qui les induisent, les antigènes. Cette spécificité est assurée par des récepteurs de reconnaissance présents sur les lymphocytes, qui peuvent être sélectionnés par fixation sur les récepteurs de l’antigène qui leur correspond avant de se différencier en cellules productives d’anticorps ou en cellules cytotoxiques (capable de tuer les cellules cibles, par exemple les cellules constitutives d’une greffe). On distingue deux familles de lymphocytes totalement distinctes, les lymphocytes B, qui se différencient chez les Oiseaux dans la bourse de Fabricius (l’équivalent de la bourse n’est pas connu chez les Mammifères) et les lymphocytes T qui maturent dans le thymus. Les cellules B produisent les anticorps, les cellules T régulent de façon tout à la fois positive (cellules T helper) et négative (cellules T suppressives) la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes, qui produisent les plus grandes quantités d’anticorps. Les cellules T ont aussi la capacité d’intervenir directement en l’absence d’anticorps soit par des phénomènes de cytolyse, soit en libérant des protéines, les cytokines, qui attirent les macrophages au site de la réaction immunitaire et les activent en les rendant capables à leur tour d’exercer une activité cytolytique.Malheureusement, le fonctionnement du système immunitaire n’est pas toujours favorable à l’individu, soit qu’il se révèle insuffisant laissant se développer des infections graves et récidivantes, soit qu’au contraire il outrepasse sa vocation initiale et entraîne des maladies dues à l’action d’anticorps produits en quantité excessive et se déposant sur les gaines artérielles de nombreux organes sous la forme de complexes d’antigène et d’anticorps. L’«hyperimmunité» peut également se traduire par une réaction intempestive vis-à-vis des propres constituants de l’organisme, le système immunitaire se retournant contre l’individu au lieu de le protéger, ou par l’apparition d’une catégorie particulière d’anticorps, les IgE, qui sont responsables des réactions d’allergie. L’origine de ces maladies très diverses et nombreuses, aujourd’hui qualifiées d’immunopathies , échappe encore. Il semble cependant que ce soit dans un dérèglement du système de régulation, en particulier des cellules T suppressives, qu’il faille trouver le facteur favorisant principal. D’autres facteurs, placés sous un étroit contrôle génétique (faisant en particulier intervenir le complexe HLA), jouent aussi un rôle important en commandant la spécificité de la réaction pathologique.Au carrefour de la génétique, de la biologie moléculaire et cellulaire et de la pathologie interne, l’immunologie occupe une place centrale en médecine et en biologie. Elle est à la fois source de nouveaux concepts et de nouvelles techniques (la très remarquable découverte des hybridomes l’a, récemment, brillamment illustré) ainsi qu’une voie d’approche unique pour un nombre croissant de maladies jusque-là sans test diagnostique spécifique ni traitement efficace.1. Déficits immunitairesLes syndromes de déficit immunitaire sont caractérisés par une anomalie héréditaire ou acquise des moyens de défense anti-infectieuse vis-à-vis des bactéries, des virus, des mycètes et des parasites.La complexité des mécanismes immunologiques explique la variété des déficits immunitaires. Ceux-ci peuvent affecter l’immunité spécifique humorale ou cellulaire, assurée par le système lymphoïde, et l’immunité non spécifique qui repose sur les fonctions granulocytaires et macrophagiques comme sur l’action du complément.Déficits immunitaires congénitaux (tabl. 1)Déficits du système lymphocytaireLes déficits du système lymphocytaire sont caractérisés par une anomalie isolée de la fonction humorale ou de la fonction cellulaire, par un défaut mixte de ces deux fonctions.Déficits prédominants de l’immunité cellulairea ) Aplasie thymique ou syndrome de Di George . L’aplasie thymique est une embryopathie dominée par le défaut de développement des ébauches thymiques. L’étiologie en est inconnue.Dans tous les cas décrits, une tétanie néo-natale liée à une anomalie de développement des parathyroïdes représente le premier symptôme. Le diagnostic est aisément évoqué devant une malformation cardiaque et des malformations mineures. Le défaut de thymus peut être objectivé radiologiquement. Le taux de facteurs thymiques sériques, reflet de l’activité de l’épithélium du thymus, est généralement très bas. Le déficit quantitatif en lymphocytes T se traduit par une diminution de volume des ganglions. L’étude histologique d’un ganglion montre une pauvreté cellulaire de la zone thymo-dépendante et une intégrité du cortex superficiel. Ce déficit se traduit par l’absence de réaction d’hypersensibilité retardée. Les tests fonctionnels qui étudient in vitro les capacités des lymphocytes T sont très perturbés: défaut de prolifération lymphoblastique en présence de mitogènes et défaut de réponse en culture mixte lymphocytaire.Les taux sériques des immunoglobulines sont normaux ou élevés, mais la production d’anticorps est partiellement perturbée.L’évolution est liée aux trois facteurs qui entrent en jeu dans le pronostic global de la maladie: l’hypocalcémie est traitée par calcium, associé à de fortes doses de vitamine D et par injection de parathormone; la malformation cardiaque qui peut nécessiter une cure chirurgicale, et le déficit immunitaire lui-même. La gravité du défaut immunologique peut amener à tenter une reconstitution immunologique par transplantation d’un thymus fœtal de moins de douze semaines. Elle est capable de corriger en quelques jours le déficit lymphocytaire. Dans les syndromes de Di George partiels – qui sont une hypoplasie thymique – un traitement par les hormones thymiques synthétiques (Thymuline) paraît indiqué.b ) Déficit en purine nucléoside phosphorylase (PNP). Ce déficit immunitaire sévère est, avec le déficit en adénosine désaminase (ADA), un exemple de déficit enzymatique du métabolisme des purines. Les anomalies métaboliques entraînent une anomalie de réplication de l’ADN responsable d’un défaut de multiplication des lymphocytes T. Le déficit de l’immunité cellulaire est sévère. Les fonctions humorales sont respectées, mais des manifestations auto-immunes sont fréquentes.Déficits prédominants de l’immunité humoralea ) Agammaglobulinémie liée à l’absence de lymphocytes B . L’agammaglobulinémie liée à l’absence de lymphocytes B est une affection génétique, récessive, liée au sexe, caractérisée par une atteinte humorale globale, profonde et isolée. On lui conserve le nom de maladie de Bruton.Les premiers signes infectieux apparaissent vers l’âge de trois à six mois, dès la disparition des IgG passées de la mère à l’enfant; infections à pyogènes, O.R.L., pulmonaires, méningées et cutanées.Les dosages des immunoglobulines (Ig) sériques et salivaires révèlent une agammaglobulinémie touchant les cinq classes d’Ig. La production d’anticorps est nulle pour tous les systèmes. La base de la prévention consiste en l’injection intraveineuse régulière d’immunoglobulines dès le diagnostic établi: perfusions intraveineuses de 200 à 300 mg/kg toutes les trois semaines, qui permettent d’obtenir des taux d’IgG à 70 p. 100 de la normale. L’antibiothérapie est indispensable au cours d’un épisode aigu. Une kinésithérapie respiratoire est proposée pendant les périodes de bronchorrhée intense et doit rester régulière en dehors des poussées.b ) Hypogammaglobulinémie à expression variable . Il s’agit de syndromes encore dénommés hypogammaglobulinémies acquises , répondant à des déficits immunitaires partiels qui forment un groupe hétérogène. C’est l’un des déficits immunitaires les plus fréquents. Les trois points communs de ces déficits sont: l’existence d’une atteinte dissociée de l’immunité humorale, la présence d’un nombre normal ou augmenté de lymphocytes B, une atteinte partielle de l’immunité cellulaire. Le début des premiers symptômes est soit tardif chez l’adulte, soit précoce entre l’âge de trois à cinq ans. Les symptômes prédominants sont des infections à pyogènes O.R.L., sinusiennes et broncho-pulmonaires risquant d’aboutir à une dilation des bronches. Des manifestations intestinales bactériennes ou parasitaires, telle une giardiase, sont souvent observées, responsables de diarrhée aiguë ou chronique avec malabsorption. Des manifestations auto-immunes sont fréquemment décrites, et une nette incidence de sarcomes est observée.Le déficit humoral porte sur l’ensemble des cinq classes d’immunoglobulines qui sont abaissées sans être effondrées. La production d’anticorps est dissociée d’un système antigénique à un autre. Le nombre de lymphocytes T est généralement normal, mais les fonctions cellulaires sont parfois abaissées, témoins d’une atteinte qualitative. L’étude in vitro de la coopération cellulaire entre lymphocytes T et B et macrophages peut montrer des anomalies (excès de fonction suppressive ou défaut de fonction helper) dont on ne sait si elles sont primitives ou secondaires.c ) Déficit sélectif en une classe d’immunoglobulines: – Le déficit sélectif en IgA est le déficit immunitaire le plus fréquent, puisqu’il touche environ un sujet sur sept cents. Il s’agit d’un déficit d’étiologie variée génétique ou acquise.La symptomatologie est très variable. Souvent asymptomatique, le déficit en IgA peut être responsable d’infections répétées et de manifestations auto-immunes. Les IgA sont virtuellement absentes dans le sérum et les sécrétions exocrines. Une hyper-IgE est souvent observée. La prévention des infections par les immunoglobulines n’est pas préconisée. Le traitement se limite à l’antibiothérapie devant un épisode infectieux et au traitement d’une affection auto-immune déclarée.– Le déficit sélectif en IgM est rare. Il entraîne une grande sensibilité aux infections (septicémies et des méningites récidivantes), souvent secondaires à une infection O.R.L. Les IgM sériques sont absentes tandis que les autres classes d’immunoglobulines sont normales. La production d’anticorps dirigés contre des antigènes polysaccharidiques est très perturbée. Une élévation des anticorps de la classe des IgG est obtenue après vaccination. La grande sensibilité aux antibiotiques des germes les plus fréquemment responsables d’infections dans ce déficit fait proposer un traitement préventif par la pénicilline orale continue.d ) Déficit en IgG et IgA avec taux d’IgM normal ou augmenté . Le déficit immunitaire est rare et transmis selon le mode récessif lié au sexe. Il est encore dénommé dysgammaglobulinémie de type I.Déficits immunitaires mixtes et graves (DIMG)Les déficits immunitaires mixtes et graves sont des affections héréditaires caractérisées par un défaut profond de l’immunité cellulaire et de l’immunité humorale. Les premières infections surviennent très précocément avant le sixième mois de vie. Les trois principales manifestations sont une diarrhée infectieuse persistante, une pneumopathie diffuse, et des manifestations cutanées. Le diagnostic est évident lorsque certains arguments sont réunis: absence de ganglions palpables, absence d’opacité thymique et lymphopénie. L’existence d’une notion familiale est souvent découverte à l’interrogatoire de la famille. Ces affections sont soit autosomiques récessives, soit récessives liées au sexe.Les taux d’immunoglobulines sont souvent effondrés et l’immunité cellulaire est très profondément perturbée.Les méthodes d’explorations actuelles permettent de distinguer trois variétés de déficit immunitaire mixte et grave:– Défaut primitif des cellules souches lymphoïdes médullaires , incapables de différenciation.– Déficit en adénosine désaminase (ADA); il provoque un déficit qualitatif des lymphocytes T et B par un mécanisme voisin de celui du déficit en PNP.– Déficit sélectif en précurseurs des lymphocytes T : le déficit cellulaire est profond et le déficit humoral est secondaire à l’absence des lymphocytes T.L’évolution des DIMG est sévère, la mort survenant avant l’âge de un an, et le traitement doit être mené en considérant trois données intimement liées: le traitement des infections existantes, la protection du malade et les moyens d’obtenir une reconstitution immunologique par transplantation.Une reconstitution immunologique peut être obtenue par transplantation de moelle provenant d’un frère ou d’une sœur HLA identique. Dans les conditions idéales de transplantation, une reconstitution immunologique rapide (deux à trois mois) est obtenue dans plus de 80 p. 100 des cas.Déficits immunitaires complexesIls sont nombreux. Nous en détaillerons quatre:– Syndrome d’ataxie et télangiectasie . Il s’agit d’une affection autosomique récessive. L’ataxie cérébelleuse est habituellement objectivée à la marche. Des mouvements choréo-athétosiques et des télangiectasies oculaires sont d’apparition plus tardive. Les premières infections surviennent vers l’âge de deux à trois ans. Les localisations respiratoires sont prédominantes.Le déficit immunitaire est variable. Il existe un déficit en IgA sérique et salivaire dans 50 p. 100 des cas, et, dans 5 p. 100 des cas, un déficit en IgG. Les IgM sériques sont souvent élevées. La production d’anticorps est généralement dissociée, basse ou nulle pour certains antigènes, normale pour d’autres. Il est très souvent détecté des auto-anticorps et ces malades présentent assez fréquemment des manifestations auto-immunes. Dans une importante proportion de cas (10 p. 100) une affection maligne est observée.– Syndrome de Wiskott-Aldrich . Le syndrome de Wiskott-Aldrich associe un déficit mixte et partiel, une thrombocytopénie et un eczéma. Il est transmis selon le mode récessif lié au sexe.La thrombopénie est néonatale, de type périphérique. L’eczéma, d’intensité variable d’un malade à l’autre, évolue par poussée. Il est source de surinfection cutanée. Le déficit immunitaire est responsable d’infections bactériennes ou virales. Il est caractérisé par un déficit en IgM inconstant (50 p. 100 des cas). La production d’anticorps est dissociée, souvent normale pour les antigènes peptidiques et diminuée pour les antigènes polysaccharidiques. Le déficit cellulaire, variable d’un cas à l’autre, s’accentue progressivement. Les manifestations auto-immunes sont fréquemment observées et une affection maligne (sarcome) est fréquemment décrite. La gravité de la maladie a justifié le recours à une transplantation médullaire.– Déficit immunitaire et dilution pigmentaire . Il a été décrit initialement dans trois familles. Il s’agit d’un déficit mixte cellulaire et humoral associé à un trouble pigmentaire. La transmission est autosomique récessive. L’albinisme est partiel avec reflet argenté des cheveux. L’évolution est marquée par une hépatosplénomégalie, des phases de pancytopénie souvent contemporaines d’une infection bactérienne ou virale. Ce syndrome, dont la symptomatologie est voisine de la maladie de Chediak-Higashi, s’en distingue par l’abence de granulation anormale au niveau des leucocytes, par la nature du trouble pigmentaire caractérisée par un défaut de dendrification des mélanocytes et la rareté du transfert des mélonosomes des mélanocytes aux kératinocytes et par la présence d’un déficit immunitaire mixte mais partiel.– Déficit immunitaire et nanisme à membres courts . Le nanisme à membres courts est un déficit immunitaire rare de transmission autosomique récessive. Le déficit est variable humoral pur, cellulaire pur ou mixte.Déficits de l’immunité non spécifiqueLes déficits de l’immunité non spécifique concernent les anomalies quantitatives ou qualitatives des polynucléaires neutrophiles, des macrophages et du système du complément.Déficit quantitatif de la lignée granulocytaireLes neutropénies congénitales, neutropénies et agranulocytoses représentent un groupe d’affections génétiques ou constitutionnelles de mécanisme et de pronostic variables.La symptomatologie se résume souvent à des infections bactériennes de localisation O.R.L., pulmonaire, et cutanées surtout.Les hémogrammes et le myélogramme permettent de distinguer cinq principales situations:– Aplasie granulocytaire congénitale , marquée par une quasi-absence de granuleux médullaires.– Défaut de prolifération granulocytaire . Présence de granulocytes jeunes jusqu’au promyélocyte ou au myélocyte et absence de cellules plus matures.– Défaut de maturation granulocytaire . Le myélogramme montre un nombre normal de granuleux jeunes, jusqu’aux métamyélocytes compris, et la quasi-absence de polynucléaires.– Défaut de sortie des polynucléaires médullaires . Il s’agit d’une situation rare, caractérisée par une neutropénie sanguine profonde et la présence de granuleux médullaires en grand nombre.– Neutropénie cyclique . Il s’agit d’une affection caractérisée par un trouble de production granulocytaire évoluant de façon cyclique.Anomalies qualitatives des polynucléairesDepuis la description de la granulomatose septique chronique, plusieurs autres anomalies granulocytaires distinctes sont décrites, certaines répondant à un défaut enzymatique précis, d’autres liées à une anomalie fonctionnelle de mécanisme encore non éclairci.– Granulomatose septique chronique . La granulomatose septique chronique est une affection transmise selon le mode récessif lié au sexe ou plus rarement autosomique récessive.La maladie est caractérisée par des infections bactériennes répétées. L’hémogramme révèle une polynucléose neutrophile constante. L’étude de la bactéricidie montre une importante diminution de la lyse bactérienne par des polynucléaires du malade.L’antibiothérapie et les antimycosiques restent à la base du traitement devant une infection déclarée. L’antibiothérapie préventive continue est dangereuse du fait de la survenue d’infections à germes résistants. L’évolution généralement fatale après quelques années a fait envisager une tentative de transplantation médullaire.– Autres anomalies enzymatiques granulocytaires avec sensibilité aux infections . D’autres défauts enzymatiques rares de granulocyte entraînent une diminution des capacités de bactéricidie. Ce sont: le déficit en myéloperoxydase, le déficit en G6PD, défaut de granules secondaires granulocytaires qui entraîne un déficit en lactoferrine et en phosphatase alcaline.– Maladie de Chediak-Higashi . La maladie de Chediak-Higashi est un syndrome de transmission autosomique récessive caractérisé par une anomalie des membranes de certaines organelles intracytoplasmiques qui fusionnent pour donner des inclusions géantes typiques de l’affection.Ce syndrome associe un albinisme partiel oculo-cutané et une susceptibilité aux infections bactériennes considérée comme liée aux anomalies fonctionnelles des granulocytes. L’albinisme est dû à une dilution pigmentaire. L’étude fonctionnelle des granuleux montre des anomalies complexes: troubles du chimiotactisme et de la bactéricidie.L’évolution est marquée par des infections bactériennes et des épisodes dits de «phase accélérée», caractérisée par une fièvre élevée, une accentuation de la splénomégalie et une pancytopénie dominée par une agranulocytose et une thrombopénie majeure.En dehors des traitements symptomatiques, antibiothérapie d’une infection déclarée, corticothérapie au cours de phase accélérée, il n’existe aucune thérapeutique satisfaisante. Une transplantation de moelle osseuse a été réalisée avec succès chez un malade.Déficits du système de complémentOn a décrit plusieurs déficits héréditaires touchant l’un des composés du complément: C1, C2, C3, C7 notamment. Le défaut d’un des composés entraîne une anomalie d’activation du complément, dont on sait le rôle amplificateur dans les réponses immunes. Cette anomalie expose à des manifestations auto-immunes et à des infections. Un déficit particulier qui touche l’inhibiteur de la C1 estérase provoque, au contraire, une activation exagérée du système du complément. Elle explique les manifestations anaphylactoïdes observées dans le syndrome angio-neurotique.Déficits immunitaires acquisIls sont nombreux et sont observés dans des circonstances très diverses. Certains sont globaux, touchant plusieurs moyens de défense, d’autres sont plus limités, voire sélectifs. Les mécanismes sont variables, liés à une anomalie de multiplication cellulaire, à une fuite ou encore à des anomalies qualitatives complexes. Il est d’usage de les classer selon leurs causes (tabl. 2).– Cancers et hémopathies malignes. Même en dehors de tout traitement, il est fréquent d’observer un déficit immunitaire au cours d’une tumeur solide ou d’une leucémie. Dans la maladie de Hodgkin, le déficit cellulaire est un des signes de la maladie. Il est plus marqué dans les formes étendues (stades III et IV). Il a récemment été montré que le déficit est dû, au moins en partie, à une sécrétion exagérée de prostaglandines E2 qui activent les lymphocytes T suppresseurs.– Les causes toxiques et médicamenteuses sont nombreuses. Les chimiothérapies anticancéreuses provoquent toutes un déficit complexe, à la fois lymphocytaire et granulocytaire. Les thérapeutiques immunosuppressives prescrites, par exemple dans les affections auto-immunes, réduisent globalement les fonctions immunes en entraînant une régression des symptômes de la maladie au prix d’un déficit immunitaire acquis réversible à l’arrêt du traitement.– Les déficits immunitaires secondaires à une fuite sont rares. Dans la lymphangiectasie intestinale, il s’agit d’une perte de lymphe, riche en lymphocytes et en immunoglobulines, au niveau intestinal. Cette anomalie est en relation avec une manifestation des vaisseaux lymphatiques ou à une compression du canal thoracique.Dans le syndrome néphrotique, il existe une perte continue d’immunoglobulines anormalement trouvées dans les urines.– Les causes infectieuses sont, de très loin, les plus fréquentes.Un déficit immunitaire cellulaire est très souvent observé dans les maladies virales. Il est généralement passager (varicelle, rougeole, infection à cytomégalovirus, par exemple). Il peut être plus durable dans les infections virales diffuses ou persistantes comme dans les mononucléoses infectieuses graves (virus EB). Il est chronique dans le cas du déficit immunitaire épidémique (sida), décrit dès 1980 chez les homosexuels. La transmission du virus (VIH) par voie hétérosexuelle fut ensuite constatée, ainsi que la contamination d’enfants, à leur naissance, par une mère porteuse du virus. On connaît deux foyers endémiques: haïtien et africain (Zaïre).Il existe entre la contamination par le rétrovirus qu’est le VIH et les symptômes d’immunodéficience qui correspondent à la maladie déclarée un temps de latence plus ou moins long mais pendant lequel la présence du virus est traduite par la séropositivité du sujet contaminé.Dans les infections mycosiques chroniques comme les candidoses cutanéo-muqueuses, il est observé un déficit cellulaire sélectif avec anomalie de réponse des lymphocytes qui contraste avec des taux élevés d’anticorps pour les antigènes du champignon, ces anomalies sont réversibles après traitement.Dans les parasitoses, le déficit est complexe et souvent intriqué aux anomalies dues à une malnutrition associée.– De nombreux facteurs nutritionnels interviennent dans la genèse des déficits immunitaires acquis. Parmi eux, les vitamines B 12, l’acide folique, le zinc sont les mieux décrits, mais le fer, la vitamine C et, d’une façon globale, les carences protidiques sont des facteurs également essentiels. Enfin, de nombreuses situations pathologiques sont associées à une anomalie immunitaire variable. Dans le diabète, l’hyperglycémie favorise le développement des infections à staphylocoques. Dans les maladies touchant le métabolisme des acides aminés, le défaut de production d’anticorps est l’une des conséquences de l’anomalie des synthèses protidiques.On voit combien, en raison de la diversité des mécanismes responsables des déficits immunitaires congénitaux ou acquis, comme du fait de l’hétérogénéité de leur expression, il s’agit d’un chapitre complexe de la pathologie. Les traitements sont adaptés à chaque situation et dépendent grandement de la connaissance des mécanismes en cause, ce qui explique l’impuissance, face au sida, des thérapeutiques usuelles: substitutives par les immunoglobulines, curatives par greffe de moelle ou de tissus fœtaux, préventives par les vaccinations antivirales notamment. Il est devenu possible d’utiliser certains immunomodulateurs physiologiques (interféron, interleukine) ou des immunostimulants biologiques ou de synthèse dans un nombre croissant d’applications.2. Auto-immunisationOn a longtemps pensé que le système immunitaire n’était pas capable de réagir envers les subtances appartenant à l’organisme dont il fait partie. Paul Ehrlich lui-même avait parlé d’«horror autotoxicus ». On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien: le système immunitaire peut surmonter les barrières régulatrices établies au cours de son développement et de son fonctionnement et mettre en place les éléments d’une réaction immunitaire dirigée contre des substances de son propre organisme, des auto-antigènes . Il s’agit d’une réaction dite auto-immunitaire (le terme «auto-immune» souvent employé est d’ailleurs impropre: un anticorps est bien immun, mais une réaction est immunitaire.) Certaines de ces réactions sont même physiologiques, contribuant à l’équilibre de la réaction immunitaire, tels les anticorps anti-idiotypes [cf. ANTIGÈNES]; d’autres passent inaperçues, tels certains auto-anticorps découverts par hasard chez des sujets cliniquement sains et le demeurant. Mais certaines de ces réactions humorales (anticorps) ou cellulaires (lymphocytes sensibilisés) peuvent avoir des conséquences néfastes, fonctionnelles ou même lésionnelles, sur l’organisme, et constituent de ce fait un chapitre majeur de l’immunopathologie créée en expérimentation ou observée en clinique.L’expérimentation animaleL’expérimentation animale a permis de créer deux types de maladies auto-immunitaires. Dans le premier cas, on injecte à un animal un extrait d’organe avec des substances adjuvantes de l’immunité et l’on peut déclencher une réaction immunitaire contre ce même organe avec des lésions parfois importantes. C’est ainsi que des réactions anti-myéline entraînent une encéphalomyélite auto-immunitaire; des réactions antispermatozoïde: une orchite; antithyroglobuline: une thyroïdite. D’autres maladies auto-immunitaires de même type ont été réalisées. Dans tous ces cas, c’est la substance injectée, l’«auto-antigène», qui est responsable de la réaction d’un système immunitaire par ailleurs normal. Dans un second cas, c’est le système immunitaire qui réagit de manière anormale envers des substances endogènes normales. Des lignées d’animaux ont pu être créées, qui sont capables de réagir contre certaines de leurs propres substances: globules rouges (souris NZB), acide désoxyribonucléique même (souris BXW), par exemple. Des maladies proches peuvent être créées en injectant, à un animal choisi pour le tolérer, des cellules immunitaires étrangères. L’expérimentation a enfin permis d’immuniser in vitro des cellules immunitaires (lymphocytes) contre des cellules appartenant au même organisme.Les maladies humaines auto-immunitairesDes maladies humaines auto-immunitaires peuvent se rapprocher des cas expérimentaux, sans s’y identifier, la preuve définitive des mécanismes suspectés n’étant pas apportée. Dans un premier groupe, on peut ranger des maladies proches des exemples expérimentaux du premier cas: maladies neuro-oculaires (ophtalmie sympathique, polyradiculonévrites, sclérose en plaques?), maladies endocriniennes touchant surtout la thyroïde (maladie de Hashimoto, de Basedow, certains myxœdèmes) mais aussi d’autres glandes: pancréas (diabète), surrénales (maladie d’Addison), glandes génitales, etc., maladies diverses telles que l’anémie pernicieuse de Biermer et la myasthénie (avec des anticorps dirigés contre des récepteurs situés à la jonction neuro-musculaire). Dans un deuxième groupe, les maladies se rapprochent des exemples expérimentaux du deuxième cas, qu’il s’agisse d’affections immuno-hématologiques (anémies, leucopénies ou thrombopénies auto-immunitaires) ou de maladies dites du collagène ou «connectivites» (en premier lieu le lupus érythémateux disséminé, mais aussi la maladie de Sjögren, peut-être certaines sclérodermies et dermatomyosites). Un même sujet peut être atteint de plusieurs maladies (en général appartenant au même groupe). Certaines affections sont difficiles à classer bien que des signes de réactions auto-immunitaires y soient patents: telles certaines affections hépatiques (hépatites chroniques, cirrhoses biliaires).La réaction auto-immunitaireLes problèmes soulevés par la réaction auto-immunitaire concernent respectivement les auto-antigènes, la naissance de la réaction auto-immunitaire et les mécanismes des lésions auto-immunitaires.Les auto-antigènesCes substances appartenant à l’organisme qui réagit contre elles sont souvent plusieurs dans un même organe ou une même cellule (exemple: les spermatozoïdes), comme si certains organes ou cellules avaient une prédisposition à susciter une réaction auto-immunitaire. Leurs propriétés physico-chimiques ne semblent pas particulières. Une partie limitée de leur molécule semble donner lieu à réaction auto-immunitaire. Beaucoup d’entre eux sont spécifiques d’organe et communs à beaucoup d’espèces animales.La naissance de la réaction auto-immunitaireElle consiste en la perte de la «tolérance» (non-réactivité immunitaire) envers les antigènes endogènes. Cette tolérance que l’on peut induire aussi envers des antigènes étrangers, autrefois uniquement conçue comme une espèce de paralysie de la réponse immunitaire envers l’antigène toléré, est aujourd’hui plus souvent conçue comme un phénomène immunitaire actif dû à certaines cellules et à certains anticorps régulateurs. Une réaction auto-immunitaire peut être due à une absence de tolérance naturelle envers des substances qui n’ont jamais été au contact des cellules immunitaires et viennent à s’y trouver tout à coup, accidentellement (auto-antigènes de myéline ou de spermatozoïdes, par exemple). Elle peut être due à une interruption de tolérance imputable à l’antigène ou plutôt à un antigène proche mais différent de la substance endogène en cause (substance endogène modifiée ou substance étrangère – y compris bactérienne – proche). Cet antigène dit à «réaction croisée» parviendrait à tromper la vigilance du système immunitaire. La réaction auto-immunitaire peut, enfin et surtout, être due à une interruption de tolérance imputable à une défaillance du système immunitaire lui-même. On peut observer ce cas chez l’homme et chez l’animal (souris NZB) ou le créer chez l’animal (par réaction greffon-contre-hôte). Il y a alors survenue d’un déséquilibre entre une stimulation immunitaire qui prend le dessus (au niveau des lymphocytes dits B et T auxiliaires ou «helper», des cellules cytotoxiques naturelles, dites «NK») et une activité régulatrice limitée ou défaillante (au niveau des lymphocytes et anticorps régulateurs). L’origine de la perturbation, sans être clairement connue, peut être liée à certains facteurs pathologiques: intervention virale pouvant agir de plusieurs manières, intervention tumorale, manifeste lorsqu’elle touche le système immunitaire (myélome, lymphosarcomes, leucémies lymphoïdes, etc.), intervention de facteurs génétiques enfin, comme en témoignent les «agrégations» familiales, les associations avec certains gènes HLA, certaines mutations génétiques chez l’animal. À l’évidence, plusieurs gènes indépendants entrent en jeu.Les mécanismes des lésions auto-immunitairesCes mécanismes posent le dernier ordre de problèmes: les agents immuns responsables de ces lésions sont des anticorps humoraux et des cellules sensibilisées. Tantôt, ce sont les auto-anticorps qui sont responsables des lésions ou des maladies en activant la cascade enzymatique du complément, ou en activant des cellules cytotoxiques ou phagocytaires, ou bien encore en activant ou en inactivant des récepteurs hormonaux ou, finalement, en formant, avec les antigènes correspondants, des complexes immuns pathogènes. Tantôt ce sont des lymphocytes auto-immuns: certains détruisent directement les cellules cibles porte-antigène; certains libèrent des substances appelées lymphokines douées de nombreuses propriétés: inflammation, toxicité, activation de cellules cytotoxiques ou phagocytaires. Tantôt, enfin, anticorps et cellules interagissent dans un sens synergique ou, au contraire, antagoniste.Pour toutes ces raisons, l’analyse de la réaction auto-immunitaire a contribué à faire progresser nos connaissances sur le double plan de l’immunologie fondamentale (mécanismes de la tolérance immunitaire) et de l’immunopathologie (mécanismes des lésions).3. Syndromes pathologiques dus aux complexes immunsL’introduction d’un immunogène dans l’organisme stimule une réponse immunitaire comportant la formation d’anticorps. Un complexe immun (CI) est ainsi formé chaque fois qu’il y a liaison entre un antigène et l’anticorps correspondant. Il s’agit donc d’un phénomène habituel lors de la réponse immunitaire, généralement bénéfique pour l’hôte, puisqu’il induit la neutralisation ou l’élimination de l’antigène, un agent infectieux par exemple.MécanismesOn doit distinguer plusieurs situations selon le type d’antigène en cause et le site de formation. Les CI peuvent être formés par la liaison entre un anticorps et un antigène insoluble, présent par exemple dans la paroi d’une cellule. L’exemple type en est la fixation d’un anticorps sur une bactérie dans le cas d’une maladie infectieuse, ou sur un globule rouge au cours d’une anémie hémolytique d’origine immune. Les CI peuvent également être formés par liaison entre un antigène soluble et l’anticorps correspondant. Une telle réaction peut avoir lieu dans le secteur extravasculaire, ou dans la circulation. On entend généralement sous le nom de pathologie par CI les manifestations induites par le dépôt dans divers sites lésionnels de CI formés dans la circulation. Cette situation est inhabituelle, car, une fois formés, les CI ont une vie brève: ils sont généralement captés par les cellules du système réticuloendothélial, conduisant à la dégradation de leurs composants. Les facteurs qui conditionnent les propriétés physico-chimiques des complexes antigène-anticorps, et donc leur présence éventuelle dans la circulation et leur nocivité, sont nombreux et présentés dans le tableau 3. Les CI formés en large excès d’anticorps sont rapidement éliminés de la circulation en raison de leur taille. Les CI formés en grand excès d’antigène sont en règle générale de petite taille, peuvent persister dans la circulation, mais fixent peu ou ne fixent pas du tout le complément, et n’ont que peu de propriétés inflammatoires. Il semble que les complexes de taille moyenne (formés en léger excès d’antigène) soient les plus pathogènes. En effet, ils persistent dans la circulation et ont la propriété de fixer le complément et d’induire des manifestations inflammatoires.Cas de la maladie sériqueBon nombre de nos connaissances sur la pathologie par CI sont dérivées d’études sur la maladie sérique aiguë. Cette affection, observée chez l’homme après injection d’une dose importante de sérum d’origine animale (sérothérapie antidiphtérique ou antitétanique, par exemple), est caractérisée par un intervalle libre de plusieurs jours correspondant au développement de la réponse immunitaire, suivi par l’apparition brutale de manifestations touchant plusieurs organes: arthrite, endocardite, vasculite et glomérulonéphrite. La reproduction expérimentale de cette maladie, le plus souvent chez le lapin à l’aide de protéines étrangères purifiées telles que l’albumine bovine, a permis d’en comprendre le mécanisme, par l’étude du devenir de la protéine étrangère et par l’analyse des réactifs immunologiques présents dans les sites lésionnels. À l’aide de traceurs radiomarqués, il est possible de montrer que la concentration d’une protéine étrangère diminue progressivement selon trois phases (fig. 1). La première est liée à la distribution de la protéine dans son espace de diffusion; la deuxième, lente, correspond à son catabolisme propre; la troisième, rapide, aboutissant à l’élimination de la circulation, est liée à l’apparition d’anticorps spécifiques. C’est pendant cette période qu’apparaissent les manifestations pathologiques décrites plus haut. Les données qui permettent de les rattacher au dépôt de CI sont de deux ordres. En premier lieu, c’est à ce stade qu’il est possible de démontrer que l’antigène présent dans la circulation est lié à des Ig, c’est-à-dire sous la forme de complexes immuns. En second lieu, l’analyse des divers sites lésionnels (vaisseaux, parois glomérulaires) met en évidence la présence de CI sous forme de dépôts granuleux d’Ig et d’antigène. Il est possible d’analyser la spécificité de ces Ig, et de montrer qu’elles ont une activité anticorps contre l’antigène qui a été administré. On peut donc raisonnablement admettre que les complexes immuns présents dans la circulation sont déposés dans les parois vasculaires. L’aspect granuleux des dépôts est attribué au fait que les complexes antigène-anticorps sont «pris au piège», au hasard, dans le système vasculaire complexe que constitue le glomérule rénal.L’application directe de ce modèle en pathologie humaine est limitée. En effet, les préparations d’antisérum utilisées en thérapeutique sont maintenant hautement purifiées, et les sérothérapies sont de moins en moins utilisées. Ces résultats sont cependant de très grande importance, car ils ont conduit à impliquer les complexes immuns circulants dans plusieurs secteurs de la pathologie, dont les néphropathies glomérulaires et les maladies de système, telles que le lupus érythémateux disséminé et la polyarthrite rhumatoïde. Afin de prouver le rôle des CI en pathologie, il serait souhaitable de pouvoir reproduire les manifestations pathologiques de la maladie sérique, en injectant des CI préformés in vitro. Ces expériences se sont révélées très décevantes, car il est très difficile d’induire une localisation tissulaire de CI solubles et, plus encore, des manifestations pathologiques. Ces expériences ont cependant attiré l’attention sur l’importance des propriétés physico-chimiques des CI potentiellement pathogènes et sur les facteurs permettant la localisation de CI circulants dans les parois vasculaires. Les conditions hémodynamiques sont particulièrement importantes. Les organes qui ont un débit sanguin élevé par rapport à leur poids et les sites vasculaires où s’exerce un phénomène d’ultra-filtration sont particulièrement exposés. C’est le cas du glomérule, des plexus choroïdes, de la peau, de la cornée et de la synoviale. En outre, l’étude de la maladie sérique a permis d’établir que la localisation de CI circulants dans les parois vasculaires était associée à une augmentation de la perméabilité vasculaire, liée à des amines vasoactives libérées par les plaquettes sous l’influence d’un système faisant intervenir des anticorps spécifiques de classe IgE et des polynucléaires basophiles.Complexes immuns circulants et néphropathies glomérulairesL’analyse de la maladie sérique aiguë ainsi que l’analyse d’un certain nombre de modèles décrits dans le tableau 4 ont conduit Dixon à admettre que la présence de dépôts granuleux d’Ig dans les glomérules traduisait toujours le dépôt de complexes immuns formés dans la circulation. La mise au point d’un modèle de maladie sérique chronique, par injections répétées de protéine étrangère en quantité calculée pour équilibrer la quantité d’anticorps produits, et l’utilisation d’une large gamme d’antigènes ont montré les potentiels de la pathologie par dépôt de complexes immuns circulants (CIC), qui permet de réaliser pratiquement tous les types cliniques et histologiques de néphropathie glomérulaire décrits en pathologie humaine. À l’ensemble de ces glomérulonéphrites avec dépôts granuleux Dixon opposait les glomérulonéphrites par anticorps antimembrane basale glomérulaire, dans lesquelles les dépôts d’Ig étaient formés in situ par fixation d’un anticorps libre sur la membrane basale. Dans ce cas, les dépôts d’Ig sont disposés de manière parfaitement régulière le long de cette structure, réalisant un aspect radicalement différent de ce que nous avons décrit pour le dépôt de CI.Il est maintenant admis que cette distinction établie par Dixon est trop schématique pour rendre compte de la totalité des néphropathies glomérulaires. On sait, en particulier, qu’il existe des variantes de la glomérulonéphrite de Heymann, où un anticorps libre est déposé sur un antigène préexistant dans le glomérule (c’est-à-dire un mécanisme de dépôt du même type que pour les anticorps anti-membrane basale), donnant une image granuleuse en raison de sa répartition irrégulière, identique à celle que l’on observe lors du dépôt de complexes immuns circulants. D’autre part, plusieurs modèles ont été décrits dans lesquels un antigène préalablement «planté» dans le glomérule peut fixer lui-même les anticorps circulants produits ultérieurement. Enfin, il ne faut pas opposer de manière absolue les deux mécanismes: formation in situ de CI et dépôt de CI préformés dans la circulation. En effet, les deux aspects peuvent coexister: un CI formé en excès d’antigène dans la circulation et déposé dans un site vasculaire devient un antigène planté qui peut fixer des anticorps libres circulants.Ces observations amènent à nuancer quelque peu les propositions faites initialement en pathologie rénale humaine, où les glomérulonéphrites caractérisées par la présence de dépôts granuleux d’Ig sont fréquentes. Sans entrer dans le détail des diverses variétés de glomérulonéphrites, l’analyse clinique et l’étude immunohistologique des glomérules permettent de suggérer que les glomérulonéphrites aiguës (très proches de la MSA), souvent secondaires à une infection streptococcique, sont effectivement dues au dépôt de CI qui peuvent être transitoirement décelés dans la circulation. En revanche, au cours de néphropathies glomérulaires chroniques, il n’y a pas d’association régulière avec la présence de CIC, et l’on ne dispose d’aucun argument pour identifier l’antigène éventuellement à l’origine des CIC. Néanmoins, dans quelques cas exceptionnels (tabl. 5) de glomérulonéphrites associées à une infection, une parasitose, ou une maladie thyroïdienne, on a pu identifier l’antigène qui était à l’origine des CI.Complexes immuns circulants et maladie lupiqueLe lupus érythémateux disséminé est considéré comme le prototype de la maladie chronique à CI. Il s’agit d’une affection caractérisée par des manifestations multifocales (tabl. 6), touchant plus particulièrement la peau, le rein, les articulations, associée à de nombreuses manifestations biologiques d’auto-immunité (tabl. 6). Les études pathogéniques ont beaucoup bénéficié de l’existence de modèles murins chez les souris NZB/W, et MRL/1 notamment. Certaines manifestations cliniques du lupus sont liées à l’action directe d’auto-anticorps sur leurs cibles, c’est le cas de l’anémie et de la thrombopénie. D’autres sont dues au dépôt de CIC, c’est le cas des manifestations articulaires et surtout de la vasculite et de la glomérulonéphrite. Il est facile de mettre en évidence la présence de CI dans le sérum de patients atteints de lupus. L’antigène en cause est essentiellement l’ADN. L’analyse des dépôts glomérulaires a montré qu’ils contenaient l’ADN et que les Ig décelées dans les glomérules avaient une activité anti-ADN. La glomérulonéphrite lupique est donc l’une de ces affections où le rôle des CI est le mieux établi, puisque l’on trouve des CI comportant le même antigène (ici l’ADN) dans la circulation et dans les sites lésionnels. Néanmoins, certains travaux ont suggéré que l’ADN libre peut se fixer sur la membrane basale glomérulaire et fixer dans un second temps les anticorps anti-ADN circulants. Pour un même système antigénique, on peut donc avoir deux mécanismes de formation des dépôts glomérulaires. Les principaux problèmes pathogéniques posés par le lupus sont ceux de l’origine des anomalies immunitaires. Il existe une stimulation des lymphocytes B à produire des Ig ayant une activité anticorps dirigée contre les constituants du soi dont la cause fait l’objet de discussions: stimulus primitif des lymphocytes B? défaut du système de contrôle et en particulier des lymphocytes T suppresseurs? Il est indubitable dans certains cas au moins, le terrain génétique joue un rôle important, dont témoignent l’existence de lupus familiaux, certaines associations préférentielles dans le système HLA et l’association occasionnelle à des déficits en complément. Ce dernier cas pourrait intervenir en modifiant le métabolisme des CI normalement formés au cours de stimuli infectieux, par exemple. Enfin, chez les souris NZB et NZB/W, le rôle potentiel d’un virus à l’origine de la maladie a été envisagé mais reste à établir.Complexes immuns immuns et polyarthrite rhumatoïdeLa polyarthrite rhumatoïde est une maladie caractérisée par une atteinte inflammatoire polyarticulaire conduisant à terme à une destruction des surfaces articulaires. Une des caractéristiques biologiques, connue depuis longtemps, est la présence d’auto-anticorps anti-immunoglobulines (anti-IgG) connus sous le nom de facteurs rhumatoïdes. La présence dans la circulation et dans le liquide synovial de CI, dans lesquels intervient le facteur rhumatoïde, est bien établie. D’autre part, l’analyse immunologique de la synoviale rend probable le rôle des CI. Certains auteurs, actuellement les plus nombreux, considèrent que les CI «anti-Ig» jouent le rôle principal, d’autres font intervenir un autre élément antigénique, peut-être infectieux, à l’origine d’une réponse immune anormale.Autres aspects de la pathologie par CILe rôle des CI est souvent invoqué dans les maladies infectieuses ou parasitaires, et dans certains néoplasmes. L’antigène en cause pourrait être bactérien, viral, parasitaire, tumoral, ou immunoglobulinique. Les CI pourraient jouer un rôle par l’intermédiaire de leur dépôt, ou, peut-être, de manière plus importante, comme éléments intervenant à divers niveaux dans la régulation de la réponse immune, en particulier grâce aux réactions «idiotype anti-idiotype» dans le cadre de théorie du réseau de Jerne.4. Syndromes immunoprolifératifsLes syndromes immunoprolifératifs regroupent les proliférations malignes touchant les cellules impliquées dans les phénomènes immunologiques. Ils peuvent réaliser des affections aiguës ou chroniques, ces dernières ne s’observant que chez l’adulte. Le lymphocyte B ou T peut être touché à différents stades de différenciation ; habituellement les cellules les plus immatures correspondent aux maladies les plus graves. Le fait que ces affections touchent des cellules immunocompétentes explique qu’en dehors de symptômes liés à la prolifération cellulaire l’on puisse également constater des anomalies cliniques ou biologiques directement liées à la fonction «normale» des cellules en cause: ainsi dans le myélome multiple, caractérisé par une prolifération de cellules plasmocytaires qui à l’état physiologique synthétisent les anticorps, il existe des anomalies qualitatives et quantitatives des anticorps du sérum.Monoclonalité et état de différenciation des cellules leucémiques dans les syndromes immunoprolifératifsComme la majorité des tumeurs malignes ou bénignes, les cellules qui prolifèrent chez un malade donné appartiennent toutes au même clone cellulaire, c’est-à-dire sont issues d’une seule cellule ayant subi le(s) événement(s) conduisant à la transformation maligne. Ce fait a été démontré par des études cytogénétiques, enzymatiques et immunologiques. La synthèse d’immunoglobulines (Ig) homogènes (monoclonales) représente un très remarquable marqueur clonal. Les immunoglobulines produites dans une affection donnée peuvent être étudiées au niveau du sérum lorsqu’elles sont sécrétées en quantité suffisante (cas du myélome multiple ou de la macroglobulinémie de Waldenström), ou bien au niveau cellulaire (immunoglobulines de membrane). En tous les cas, les molécules produites sont identiques d’une cellule à une autre de la prolifération: elles possèdent les mêmes chaînes légères ou lourdes d’Ig et, surtout, la région variable de ces chaînes (définissant le site anticorps propre à une Ig donnée) est identique; ce dernier caractère se traduit par une communauté antigénique dite idiotypique entre les différentes molécules d’Ig. Très rarement les proliférations touchant la cellule B sont oligoclonales; il est alors possible de mettre en évidence dans le sérum plusieurs immunoglobulines monoclonales.Dans de nombreux syndromes immunoprolifératifs, les cellules leucémiques semblent figées à un stade donné de la maturation de la cellule B ou T. Ce concept a été élaboré lors de l’étude des leucémies lymphoïdes chroniques; ces dernières correspondent dans la majorité des cas à des proliférations monoclonales de lymphocytes B dont la maturation vers le plasmocyte est arrêtée à un stade donné de différenciation. Ainsi des immunoglobulines de membrane (le plus souvent IgM et IgD) sont présentes à la même densité sur toutes les cellules leucémiques (cette densité est habituellement inférieure à celle de lymphocytes B normaux) et l’on n’observe pas de plasmocytes synthétisant des immunoglobulines partageant des idiotypes avec les Ig de surface des cellules leucémiques. Dans la macroglobulinémie de Waldenström, par contre, la population lymphoïde est polymorphe et comporte lymphocytes et plasmocytes; l’immunoglobuline monoclonale (IgM) présente dans le sérum témoigne de l’activité de synthèse du dernier type cellulaire.Syndromes immunoprolifératifs touchant les cellules BLes leucémies aiguës lymphoblastiques correspondent dans 80 p. 100 des cas à la prolifération de cellules B immatures. Ce n’est que dans un tout petit nombre de cas que les cellules synthétisent des immunoglobulines décelables à leur membrane (cellules ayant atteint le stade du lymphocyte B immature). Plus souvent, l’origine B des cellules leucémiques est reconnue par la présence de chaînes lourdes d’immunoglobulines dans leur cytoplasme (cellules immatures dites pré-B) ou par l’expression d’antigènes précoces de différenciation de la lignée B. Les gènes codant pour les immunoglobulines subissent dans ce type de leucémie les réarrangements observés lors de la maturation de la cellule B normale.La leucémie lymphoïde chronique est fréquente après cinquante ans; il s’agit presque toujours d’une prolifération de lymphocytes B synthétisant des IgM (et IgD) à leur membrane; ces cellules se développent dans la moelle osseuse, le sang, la rate, les ganglions. L’évolution de la leucémie lymphoïde est fréquemment marquée par des complications immunologiques: diminution de l’immunité humorale et, à moindre degré, cellulaire, cytopénies auto-immunes (globules rouges ou plaquettes).Les lymphomes peuvent toucher adultes et enfants. Ils se développent habituellement à partir de cellules ganglionnaires dont les plus caractéristiques sont des cellules situées dans les follicules du ganglion (zone où se trouvent à l’état normal les cellules B). Ces cellules possèdent des caractères morphologiques (cellules clivées) et immunologiques particuliers. D’autres lymphomes (immunoblastiques) ont une évolution beaucoup plus grave. Le lymphome de Burkitt mérite une place à part en raison du rôle pathogène possible du virus d’Epstein-Barr, de sa distribution géographique (notamment en Afrique), enfin du fait des remaniements chromosomiques propres à cette affection et caractérisés par une translocation affectant le chromosome 8 et le chromosome 14, 2 ou 22.Le myélome correspond à la prolifération de plasmocytes, c’est-à-dire des cellules les plus mûres de la lignée B. Les plasmocytes dystrophiques envahissent la moelle osseuse, créant des lacunes osseuses.Plus rarement, les cellules de la prolifération lymphoïde sécrètent exclusivement des chaînes légères (myélome) ou des Ig de structure anormale (maladies des chaînes lourdes).Syndromes immunoprolifératifs touchant les cellules T20 p. 100 des leucémies aiguës lymphoblastiques de l’enfant correspondent à la prolifération de cellules T immature (phénotype antigénique semblable à celui des différentes populations du thymus normal); ces leucémies sont caractérisées par une hyperleucocytose, une tumeur médiastinale et la gravité de leur évolution. Les leucémies lymphoïdes chroniques d’origine T de l’adulte sont très rares; les sarcomes T ont une architecture diffuse et une évolution grave. Dans ces dernières affections les cellules malignes ont un phénotype de cellules T mûres et peuvent posséder certaines capacités fonctionnelles. Le syndrome de Sézary (et l’affection apparentée, le mycosis fungoïdes ) est caractérisé par une hématodermie et la présence dans le sang de cellules T dont le noyau est particulièrement irrégulier.Certaines variétés d’hémopathies lymphocytaires T (de rares cas de syndrome de Sézary et la majorité des leucémies T observées au Japon ou dans les Caraïbes) semblent liées à une infection par un rétrovirus récemment décrit (HTLV pour human T leukemia virus ).
Encyclopédie Universelle. 2012.